Les acteurs de l’évènement attendaient un programme d'action pour les derniers mois du quinquennat. La dernière conférence environnementale de la mandature de François Hollande s'est pourtant achevée sans annonce marquante. Le Premier ministre y a mis un point final par un discours en forme de bilan. Revue de détail des sujets abordés lors de ces deux jours de travail entre élus, entreprises, syndicats et ONG, dont la feuille de route sera présentée en juin au Conseil national de la transition énergétique.

"Ce gouvernement est le plus écologiste qui ait jamais existé. Je mets au défi quiconque de disputer ce qualificatif." L’assertion du Premier ministre Manuel Valls, en clôture de la Conférence environnementale, laisse certaines ONG pantoises. "C’est peut-être le gouvernement qui pratique le mieux l’art du recyclage des annonces", rétorque Denis Voisin, le porte-parole de FNH (Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme).
"Ce discours était celui d’un bilan, quand nous attendions un programme", déplore de son côté Benoît Hartmann, porte-parole de FNE (France Nature environnement). De fait, après "deux jours de débats concrets, aucune annonce n’a été faite par le Premier ministre", regrette Pascal Canfin, le directeur général du WWF France. Et si "la France peut jouer le rôle de leader dans la finance verte, elle est très en retard sur le prix carbone ou sur les énergies renouvelables. Elle est très loin du niveau du leadership qu’elle devrait avoir après avoir accueilli la COP21", souligne-t-il.
Plus optimiste, Hélène Valade, présidente de la Plateforme RSE et directrice développement durable de Suez, veut retenir les avancées fortes sur le prix carbone. "Ce signal prix est complètement entré dans toutes les têtes, c’est une avancée capitale que l’on aurait eu du mal à imaginer il y a ne serait-ce qu’un an", rappelle-t-elle.

Revue de détails (par ordre alphabétique).

Bâtiment. Une série de décrets doivent intervenir très prochainement, a assuré Ségolène Royal. Celui qui fixe la performance énergétique des bâtiments existants date de 2007 : il va être révisé en reprenant "les dispositions les plus exigeantes au niveau européen". Celui qui prévoit de procéder automatiquement à des travaux d’isolation en cas de travaux importants (façade, toiture, extension) sera publié dans les deux prochaines semaines. Et le décret sur la performance énergétique comme critère de décence pourrait être publié en septembre 2016.


Biodiversité. L’intersyndicale des personnels de l’environnement avait profité de l’ouverture de la Conférence environnementale pour se plaindre d’un manque de reconnaissance. Le président de la République a annoncé que l’Agence française de la biodiversité devrait avoir les moyens, en personnel et en crédits, d’assurer ses missions. Mais sans avancer de chiffre. L’agence, comme la loi sur la biodiversité qui l’a créée, prend du retard. Elle devrait voir le jour en janvier 2017. Autre sujet biodiversité soulevé pendant la conférence : la question de l’artificialisation des sols.

Conférence environnementale. Sur l’évènement lui-même, c’est peu dire que les acteurs manquaient d’enthousiasme avant sa tenue. La faute, notamment, à une préparation "un peu chaotique", souligne Thierry Dedieu, secrétaire confédéral de la CFDT. "Il y a eu plusieurs versions de la feuille de route, plusieurs changement d’intitulés, un report de la date de tenue… ce ne sont pas les meilleurs conditions de préparation", déplore-t-il.
"Il y a aussi une grosse interrogation sur ce que l’ont attend exactement de nous dans ces tables rondes : jusqu’où nous demande-t-on de co-concevoir ? Et quelle cohérence y a-t-il entre ce que nous faisons ici et ce qui se passe dans d’autres instances ? Nous avons l’impression d’un empilement de dispositifs et on s’y perd un peu", s’interroge Emmanuel Soulias, le directeur d’Enercoop. Mais "plus les conférences avancent et plus les contributions sont précises et les constats justes", estime-t-il.
"Et cela fait toujours œuvre utile de rappeler les grands principes sur lesquels doit se fonder la transition énergétique et écologique, notamment en ce qui concerne l’acceptabilité sociale des mutations qui seront nécessaires, en particulier pour les travailleurs", reprend Thierry Dedieu.

Dialogue environnemental. Le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes a été "une petite musique régulière", selon les mots de Raphaël Claustre, du RAC (réseau action climat), dans la table ronde consacrée à "Impliquer les citoyens, les territoires et l’Etat dans la transition écologique".
Pour les ONG, mais aussi les acteurs de l’ESS, il reste un symbole du hiatus qui continue à persister entre la volonté affichée du gouvernement d’impliquer les citoyens et la difficulté qu’il a à le mettre en œuvre. "Sur l’énergie, il suffirait pourtant de peu de choses, assure Emmanuel Soulias, directeur d’Enercoop : les outils (coopératives, associations locales, etc.) sont là et les citoyens sont prêts !"

Énergies renouvelables. Le développement des énergies renouvelables était au cœur de cette conférence. L’arrêté fixant les objectifs de développement des ENR pour 2018 et 2023 a d’ailleurs été publié ce 26 avril. Objectif : atteindre les 32% d’ENR dans la consommation finale brute d’énergie en 2030, comme prévu dans la loi de transition énergétique, en doublant la production d’électricité éolienne et en triplant celle issue du solaire photovoltaïque, quand la production de chaleur issue des renouvelables (bois, biomasse, géothermie, etc.) devra augmenter de plus de 50%. Par ailleurs, la ministre de l’Environnement a profité de la conférence pour lancer le premier appel d’offres pour le développement de la petite hydroélectricité, avec un objectif de 60 mégawatts. Un appel à projet pour les territoires à hydrogène sera également bientôt lancé."C’est une dynamique qui se met en place", se réjouit Emmanuel Soulias, le directeur d’Enercoop. "Mais il manque une expression de la vision de long terme de l’Etat sur le sujet", déplore-t-il.

Exemplarité de l’État. Le sujet devait faire l’objet d’une table ronde. Il a été remplacé par "l’agenda des solutions" qui concerne davantage les acteurs de la société civile… Mais le rôle de l’Etat n’a pas été oublié. Il est attendu en tant que régulateur, sur le risque climat par exemple, mais aussi en tant que facilitateur, en laissant droit à l’expérimentation, en coordonnant son action avec les régions aussi. En tant que donneur d’ordre également, via la commande publique notamment.

Green bonds. L’autre annonce du Président, c’est la volonté de la France de se lancer en tant qu’émetteur de green bonds, ces obligations vertes qui sont aujourd’hui très recherchées par les investisseurs. Jusqu’à présent, des entreprises françaises comme Engie ou des collectivités locales (comme Paris ou l’Ile de France) s’y sont lancées avec succès. Le gouvernement français pourrait ainsi être le premier au monde à lancer des obligations vertes souveraines. En tous cas si la Grande Bretagne et la Chine, qui ont également montré leur grand intérêt pour cette forme de dette, ne lui dament pas le pion !
Reste encore à définir les critères de ces green bonds. Il pourrait s’agir d’emprunt de long terme (50 ans). En attendant, l’Etat encourage le développement de green bonds via la Banque publique d’Investissement, la Caisse des dépôts ou l’Agence française de développement.

Prix carbone. Ce fut l’un des sujets phares de cette conférence avec les annonces de François Hollande sur la mise en place d’un prix plancher sur la production d’électricité. Ce mécanisme, autorisé par l’Union européenne et déjà utilisé par la Grande Bretagne, revient à surtaxer l’électricité produite dans les centrales à charbon et à gaz françaises, qui sont déjà soumises au marché des quotas européen (ETS). Mais ce prix plancher est tellement bas (autour de 5€ la tonne) qu’il est insuffisant pour être incitatif et pousser à l’investissement dans les énergies renouvelables.
L’enjeu, a rappelé la ministre de l’Environnement Ségolène Royal, c’est d’opérer un "basculement du charbon (5 centrales actuellement en France, NDLR) vers le gaz" et éviter ainsi "l’émission de 12 millions de tonnes équivalent CO2" avec un prix compris entre "25 et 30 €", mais dont les modalités doivent être précisées dans l’année. Avec cette mesure symbolique, la France ambitionne d’entraîner d’autres pays dans son sillage.

Reporting climat. Le principe, acté par l’article 173 de la loi de transition énergétique, "fait désormais consensus", assure Virginie Shwarz, directrice de l’Énergie au ministère de l’Environnement. Il impose des obligations de transparence aux entreprises et aux investisseurs institutionnels sur la prise en compte des enjeux climatiques dans leur activité et sur leur orientation vers une économie bas carbone. Reste à travailler sur la méthodologie.
"Les entreprises ont été très fermes sur la question du calendrier : il faut que cela colle à leur exercice", souligne Hélène Valade. Ce qui voudrait dire une mise en œuvre à partir de 2017.
Concernant le périmètre de ces obligations, le Scope 3 (sur les produits et services) semble enfin possible malgré des dissensus sur la méthodologie. Mais le ministre des Finances, Michel Sapin, a assuré que le décret concernant les entreprises – qui doit être publié dans les prochains jours – définirait "un périmètre suffisamment large pour respecter l’esprit du législateur".

Nucléaire. Seule annonce sur la question, l’extension des plans particuliers d’intervention autour des centrales de 10 à 20 km en cas d’accident nucléaire. Une mesure annoncée par Ségolène Royal le jour de l’anniversaire des 30 ans de Tchernobyl.
En ce qui concerne la fermeture des centrales, le président a encore une fois renvoyé à EDF le soin de proposer celles qui devront fermer et celles qu’il entend prolonger, une fois rendu l’avis de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) sur "l’état du parc nucléaire français". Un avis attendu fin 2018. Le décret interdisant l’exploitation de la centrale de Fessenheim sera lui pris cette année.

Santé environnementale. Sur ce sujet, "les lignes bougent, même s’il faut encore accélérer", assure Marc Mortureux, rapporteur de la table ronde "Préserver les milieux afin d’améliorer le cadre de vie et la santé de tous", et ancien directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (aujourd’hui directeur général de la prévention des risques).
Les débats de cette table ronde ont débouché sur la nécessité de prendre plusieurs mesures, comme la réalisation d’une étude épidémiologique de grande envergure concernant les riverains des sites agricoles ou l’accélération des campagnes concernant les dangers des nanoparticules (avec mention sur les étiquettes et restriction de leur usage, dans les cosmétiques notamment).
Une stratégie interministérielle globale sur l’antibiorésistance devrait être mise en place après la réunion d’un premier comité interministériel en septembre. Et la recherche en santé environnement devrait être développée (ex : études de biosurveillance).

Transports. Encore un grand oublié de la conférence. Et ce alors même qu’il s’agit d’un "chantier prioritaire si l’on veut gagner la bataille du climat", selon les mots de Manuel Valls. Les transports étaient pourtant bien au menu d’une des trois tables rondes (la table ronde N°1 : "Appliquer l’agenda des solutions pour la croissance verte"), mais les débats sur le sujet ont été réduits à peau de chagrin et pris "par le petit bout de la lorgnette", regrettent les différents acteurs. Le Premier ministre a certes annoncé la poursuite du rattrapage entre le diesel et l’essence ainsi que la tenue d’une conférence pour penser la mobilité durable à horizon 30 ans, sous l’égide de la ministre de l’Environnement et du Secrétaire d’Etat aux Transports. Il leur a aussi confié la mission d’établir une loi de mobilité intérieure (LOMI). Mais, "en fin de mandat, qui peu croire à cela ? Nous avons besoin de mesures concrètes dès maintenant", souligne Denis Voisin de FNH.

TAFTA. Changement de ton de la France vis-à-vis du traité de libre échange transatlantique (TAFTA), dont on négocie en ce moment le 13ème round à New York. Le président de la République comme le Premier ministre ont affirmé que la France ne signerait pas un accord qui "n’apporte[rait] pas le niveau d’exigence que nous avons [dans le pays] pour la santé et l’environnement de nos concitoyens", a affirmé Manuel Valls, avant de préciser qu’"aujourd’hui, nous sommes trop loin du compte pour envisager un accord".

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