Le concept du pay ratio prend de l’ampleur. L’idée : limiter l’écart de rémunération entre un dirigeant et le plus bas salaire de l’entreprise. Plusieurs investisseurs conditionnent ainsi l’adoption, en Assemblée générale, de la rémunération du dirigeant à 100 SMIC maximum. Un mouvement certes minoritaire mais qui est désormais soutenu par une directive européenne puisqu’elle oblige les entreprises à publier cet écart. Un effort de transparence destiné à limiter les dérives. 

5 millions d’euros. C’était, en 2016, le montant de la rémunération moyenne d’un dirigeant du CAC 40. Soit 250 SMIC. Un record.
Mais surtout un fossé salarial, qui, en contexte de crise, est de plus en plus décrié. D’où l’émergence du concept de pay ratio, un ratio d’équité. L’idée : limiter l’écart entre la rémunération des dirigeants et le plus bas salaire de l’entreprise ou, plus globalement, du SMIC. Un indice comparatif dont certains actionnaires s’emparent et qui prend un nouveau poids depuis l’instauration du vote contraignant des actionnaires lors des Assemblées générales, introduit par la loi Sapin 2. Et qui n’était auparavant que consultatif.

Un maximum tolérable de 100 fois le SMIC



En France, l’ERAFP, l’Établissement de retraite additionnelle de la Fonction publique, a conditionné, depuis 2012, une validation de la rémunération du PDG à un "maximum socialement tolérable de la rémunération globale annuelle (salaire, avantage, options, actions gratuites et contribution de retraite chapeau) correspondant à 100 fois le salaire minimum". Cela équivaut à 100 SMIC pour la France. Pour les autres pays n’ayant pas de salaire minimum, le ratio est de 100 fois le salaire le plus bas dans l’entreprise. Même condition pour l’Ircantec, la retraite complémentaire publique française.
Résultats : en 2016, l’Erafp s’est opposé à 83,1% des résolutions portant sur la rémunération des dirigeants. En raison, soit d’une rémunération excessive (supérieur à 100 SMIC) soit par manque de transparence. Mais ce ratio, très exigeant, ne fait pas l’unanimité. Proxinvest, le cabinet de conseil et d’analyse financière, préconise par exemple un "pay ratio CEO" de 1 à 240.

Les USA font machine arrière



"En tant que juriste, le pay ratio est une notion que l’on voit arriver dans la réglementation", explique Alain Pietrancosta, professeur agrégé à l’école de droit de la Sorbonne. D’abord, aux USA, dans le Dodd Franck Act.  La loi américaine de réforme bancaire et financière oblige les entreprises cotées à un effort de transparence sur l’écart de rémunération du président de la société et ses salariés. "Il y a eu un mouvement volontaire, mais les USA font plutôt machine arrière", note Alain Pietrancosta.
Car cela fait 7 ans que l’application de l’article 953 (b) du Dodd Franck Act est attendu. La SEC, Securities and Exchange Commission, organisme fédéral américain de réglementation de contrôle des marchés financiers vient encore de retarder l’échéance d’application de cette réforme à l’année prochaine. Plus de 100 investisseurs institutionnels lui ont envoyé une lettre pour lui faire part de leur mécontentement. "Sept ans est trop long pour attendre une règle de bon sens qui donne aux investisseurs des informations importantes et augmente la transparence. En tant qu’actionnaires, nous méritons de savoir si la rémunération du CEO est déséquilibrée par rapport aux salaires des employés de l’entreprise", a déclaré Richard Trumka, président de l’AFL-CIO, un regroupement de syndicats.
D’un autre côté, plusieurs entreprises ont critiqué la "mauvaise image" que pourrait donner la publication d’un pay ratio.  Le président américain  Donald Trump ne s’est pour l’instant pas prononcé sur ce sujet mais les experts estiment qu’il suivra le mouvement des contestataires.  

L’Union européenne prend le relais



"En Europe, c’est plutôt le mouvement inverse", analyse le juriste. Le 3 avril, le Conseil européen a adopté une directive visant à "renforcer l’engagement des actionnaires dans les grandes entreprises européennes". Elle évoque un droit de regard sur la rémunération des administrateurs mais surtout un effort de transparence.
Ainsi, la directive oblige les entreprises à publier un rapport "clair et compréhensible, fournissant une vue d’ensemble complète de la rémunération". Notamment l’évolution de la rémunération des administrateurs compte tenu de la performance de la société et une comparaison de leur rémunération par rapport à celle, en moyenne, des salariés à temps plein de l’entreprise.
Les États membres ont 2 ans, jusqu’en 2019, pour appliquer la nouvelle directive. "C’est un peu délicat pour les entreprises européennes. La question de la rémunération des dirigeants reste sensible", commente Alain Pietrancosta. "La transparence s’est faite très récemment. Je ne sais pas si on est assez mûrs pour accepter cette information", estime-t-il. Sur le pay ratio, Pauline Lejay, responsable de l’Investissement social responsable à l’Erafp avoue que son établissement est  "assez seul" à porter le sujet en France. Mais constate que se forme un "bloc d’investisseurs" lorsque, plus globalement, les rémunérations des dirigeants explosent.
Rendez-vous donc aux AG de Renault et d’Alstom. L’année dernière, les rémunérations des PDG de ces deux entreprises avaient été retoquées par les actionnaires. 

Pour en savoir plus : voir la formation sur "Inégalités et bas salaires, nouvelle grille de lecture dans les politiques de rémunérations" 

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