C’est un signal fort envoyé par l’un des principaux énergéticiens au monde, à quelques semaines de la conférence climatique de Paris (COP21). Engie confirme qu’elle n’investira pas dans de nouveaux projets de centrales à charbon et qu’elle se retire des projets dans lesquels elle envisageait de s’engager. Le groupe, qui vient confirmer l’annonce de Ségolène Royal prononcée ce 14 octobre, annonce ainsi qu’il se retire du grand projet de centrale en Turquie, récemment dénoncé par les ONG.

Engie confirme auprès de Novethic les propos de Ségolène Royal promettant la fin des investissements dans le charbon. "L’Etat [majoritaire à hauteur de 33 % dans l’entreprise, NDLR], à la suite de la décision du président de la République, arrête de subventionner les investissements dans le charbon. Les entreprises françaises vont retirer leurs investissements dans le charbon, et Engie s’y est d’ailleurs engagé. Il faut être logique. On ne peut pas d’un côté déplorer les effets catastrophiques du dérèglement climatique et de l’autre continuer à investir dans les énergies fossiles. Il faut de la rigueur et un bon ordre des choses", a déclaré la ministre de l’Ecologie, ce matin sur BFM TV-RMC.  

Pas de nouveaux projets liés au charbon  



Le groupe qui a entériné cette décision lors de son dernier conseil d’administration, les lundi 12 et mardi 13 octobre, avait prévu de communiquer sur la question, mais pas si tôt. L’énergéticien précise qu’il ne lancera pas de nouveaux chantiers en lien avec le charbon. Mais il va en revanche conserver ses actifs existants, soit 30 centrales à charbon dans le monde émettant 81 millions de tonnes équivalents CO2. Il va également mener à leur terme les projets de construction dans lesquels il est déjà engagé, telles que les centrales d’Oulan-Bator en Mongolie (415 MW), de Mejillones au Chili (315 MW) ou encore de Pampa Sul au Brésil (340 MW).  
"Depuis de nombreuses années, nous avons une stratégie adaptée aux mutations énergétiques. Nous avons choisi de ne plus miser sur le charbon pour des raisons économiques qui rejoignent nos préoccupations environnementales. Nous sommes en train de changer d’époque et nous voyons les Etats évoluer à l’image de la Chine qui cherche activement d’autres solutions d’énergie. Aujourd’hui nous suggérons à nos clients d’autres modèles et nous pensons que notre décision aura un effet d’entraînement", explique Anne Chassagnette, directrice de la responsabilité environnementale et sociétale d’Engie.

Campagne efficace des ONG  



Le risque réputationnel tient également une place importante. Le 7 octobre dernier, Engie avait fait l’objet d’une campagne de mobilisation de plusieurs ONG qui avaient écrit à François Hollande pour lui demander de prendre position contre les investissements français dans le charbon à l’étranger par les entreprises dont l’Etat est l’actionnaire principal, et notamment de mettre fin au projet de centrale à charbon d’Ada Yumurtalik de 1 320 MW en Turquie.  
Le groupe annonce aujourd’hui se retirer de ce projet et confirme qu’elle a abandonné le projet de centrale à charbon (1200 MW) de Thaba Metsi, en Afrique du Sud, qui avait elle aussi fait l’objet de pressions de la part des associations environnementales.
"La décision historique d’Engie d’arrêter tout investissement dans de nouveaux projets charbon, y compris le projet Ada Yumurtalik en Turquie, est une excellente nouvelle. Aux autres investisseurs et grands acteurs de l’énergie de suivre le mouvement. L’avenir est dans les énergies renouvelables" a réagi la Fondation Nicolas Hulot dans un communiqué.

50 % d’EnR dans les nouveaux projets  



Aujourd’hui, le charbon représente 15 % de la production électrique du groupe, contre 20 % pour les énergies renouvelables. "Celles-ci représentent 50 % des nouveaux projets du groupe, précise Anne Chassagnette. C’est pourquoi nous défendons l’instauration d’un prix carbone suffisamment fort et global afin d’être cohérents avec notre stratégie." Ce lobbying est notamment porté par Gérard Mestrallet, le PDG d’Engie, co-modérateur, avec Laurence Tubiana, l’ambassadrice de la France chargée des négociations climatiques, du Business Dialogue, une instance de dialogue de haut niveau entre les gouvernements et le monde des entreprises, en amont de la COP21.  
Si les ONG, et notamment Les Amis de la Terre en attendaient plus – elles demandent la fermeture immédiate des centrales à charbon les plus polluantes et les plus âgées et la publication avant la COP21 d’un plan de sortie du charbon à horizon 2020 – le message aujourd’hui envoyé par Engie est signal fort et contribue à renforcer le mouvement en cours de décarbonation de l’économie.  

EDF mise sur les renouvelables sans stopper le charbon  



De son côté, EDF, entreprise détenue à 84 % par l’État français, qui a tenu une conférence de presse mardi 13 octobre, a plaidé pour une électricité "décarbonée" sans toutefois abandonner le charbon. L’entreprise détient 16 centrales à charbon, dont deux en France, émettant 69 millions de tonnes de C02 et est en train de construire une centrale à charbon supercritique (qui nécessite moins de charbon pour un rendement supérieur) qui sera livrée en 2016 à Fuzhou, en Chine.  
L’électricien affirme avoir réduit de 3 000 mégawatts sa production d’électricité à base de charbon entre 2013 et 2015, en fermant ses dix unités de production au charbon les plus vétustes, en modernisant les plus récentes, et en mettant en place des cycles combinés gaz et des turbines à combustion. Il annonce aussi un doublement de la part des énergies renouvelables gigawatts passant de 28GW à plus de 50 GW en 2030. Et il a récemment levé une obligation verte de 1,25 milliard de dollars pour financer des projets liés aux énergies renouvelables.  
EDF mène en ce moment "une revue stratégique de l’ensemble des actifs fossiles en Europe continentale". "Cette revue stratégique devrait prendre fin en 2016, nous ne pouvons pas affirmer qu’il y aura des fermetures pour le moment" a précisé Claude Nahon, directrice développement durable du groupe.   

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